Mon voyage à travers le monde de la réhabilitation
Par Renee Simand, BSc PT, traduit de l’anglais par Dominique Péladeau
Le point de vue personnel d’une physiothérapeute qui a elle-même dû s’adapter à la vie de tous les jours souffrant elle-même d’une mobilité réduite.
Parfois, l’enseignant devient l’élève, et ceci en fait un meilleur professeur. Dans mon cas, je suis devenue un meilleur physiothérapeute après qu’un accident m’ait forcé à prendre une pause par rapport à ma pratique à temps plein. J’ai glissé sur du verglas dans mon entrée de garage alors que j’allais au gymnase, j’ai cassé mon tibia et mon péroné, j’ai été opérée, puis j’ai été incapable de supporter du poids sur une jambe pendant 6 mois, j’ai utilisé des béquilles, puis j’ai marché avec une canne pour un autre 6 mois. En tout, j’ai utilisé un produit d’aide à la mobilité pendant toute une année.
Après 14 ans à former les gens à utiliser des produits d’aide à la mobilité, je savais à quoi m’attendre. Je travaille avec beaucoup de personnes différentes sous une variété toujours renouvelée de conditions orthopédiques et neurologiques. Une grande partie de ma pratique consiste à recommander des produits d’aide à la mobilité et à former mes clients à les utiliser correctement et en toute sécurité. C’est la partie la plus facile de mon travail. C’est technique, rien de difficile là. La partie la plus compliquée et souvent la plus sensible consiste à aider les gens à surmonter leurs problèmes émotionnels et à les encourager à se considérer comme ayant des possibilités au lieu de se considérer comme étant handicapé.
Tout à coup, là, j’utilise une aide à la mobilité et je suis aux prises avec les mêmes craintes et les mêmes préoccupations que j’ai entendues de mes clients : «Je n’ai jamais pensé que cela m’arriverait ! Comment vais-je gérer cela ? Comment puis-je me montrer en public comme ça ? Tout le monde va me regarder et aura pitié de moi. Qu’advient-il si je tombe et je me blesse moi-même ? Je me sens si fragile et vulnérable »
Comme j’ai vu mes clients le faire à d’innombrables reprises, j’ai eu à surmonter le sentiment d’être endommagée, imparfaite, moins capable ou improductive. Je me sentais comme si mon ancien «moi » avait été remplacé par une blessure et une canne. Cela m’a plus terrassé que ma chute.
Bien sûr, mon esprit rationnel me disait que je ne devrais pas être terrassée. Oui j’ai eu à utiliser une canne, mais cela ne veut pas dire que je n’étais pas la même personne. J’ai dû changer ma perception de moi-même, et je n’ai pu le faire seul. J’avais besoin d’un soutien émotionnel autant que d’une canne.
J’ai été soutenue en partie par ma famille, mes amis, des thérapeutes qui travaillent avec moi, mon médecin, et aussi, indirectement par mes clients et les obstacles qu’ils ont réussi à surmonter (des obstacles pires que ce que j’ai vécu). Une cliente, tout particulièrement, avait écrit un livre sur son expérience et m’en a donné une copie. Le geste de son soutien et la lecture de son histoire vraiment incroyable m’ont incité à être positive.
Au cours de mon propre cheminement, passant d’une blessure à la guérison, j’ai acquis une expérience inestimable pour ma pratique. En fin de compte, je suis une meilleure physiothérapeute qu’avant, parce que je peux partager mon expérience avec mes clients. Le plus grand truisme que j’ai appris : savoir quelque chose intellectuellement et rationnellement ne vous aide pas toujours émotionnellement. Le plus grand malentendu, c’est que vous pensez changer fondamentalement comme personne – en fait, vous ne changez pas.
En dehors de cela, j’ai appris à adopter un rythme plus lent plus délibéré, je ne risque pas un accident parce que je me dépêche pour être quelque part à temps. Au lieu de transpirer, je vais simplement accepter le fait que je dois prendre mon temps. Je vais continuer à éduquer mes clients sur les bienfaits qu’un produit d’aide à la mobilité peut avoir sur leur vie quotidienne, à la fois de façon fonctionnel et socialement.
Utilisé correctement, un dispositif de mobilité devient une extension de soi-même, comme la façon dont nous interagissons avec et comptons sur nos téléphones intelligents. Bien sûr, l’achat d’une canne ou d’une marchette n’est guère optionnel ou luxueux comme l’est l’achat d’un iPhone, c’est une nécessité. Mais ces deux outils permettent aux gens de partager leurs vies et de communiquer.
Cannes, béquilles et ambulateurs sont des outils d’aide à la mobilité qui vous donnent la liberté de vous déplacer et d’être utile. Tout ceci a l’air bien et fait du sens, mais lorsque l’on doit utiliser l’un des ces outils, il est parfois difficile de le croire.